La détention provisoire en droit pénal

La détention provisoire en droit pénal

La détention provisoire en droit pénal 1120 800 Vanessa Stein

La détention provisoire est une mesure d’une gravité telle que le législateur réaffirme régulièrement sa volonté d’en faire une exception : « la personne mise en examen présumée innocente reste libre » mais « en raison des nécessités de l’instruction ou à titre de mesure de sûreté » (article 137 du code de procédure pénale) ou si les obligations du contrôle judiciaire ou de l’assignation à résidence avec surveillance électronique ne permettent pas d’atteindre ces objectifs, elle peut être placée en détention provisoire.

Conformément à l’artice 144 du code de procédure pénale, les critères de la détention provisoire sont les suivants :

« – Conserver les preuves ou les indices matériels qui sont nécessaires à la manifestation de la vérité;

• Empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille;
• Empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices;
• Protéger la personne mise en examen;
• Garantir le maintien de la personne mis en examen à la disposition de la justice;
• Mettre fin à l’infraction ou prévenir son renouvellement;
• Mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public provoqué par la gravité de l’infraction, les circonstances de sa commission ou l’importance du préjudice qu’elle a causé. Ce trouble ne peut résulter du seul retentissement médiatique de l’affaire. Toutefois, le présent alinéa n’est pas applicable en matière correctionnelle. »

Les délais légaux maximums de détention provisoire au cours de l’instruction (information judiciaire) sont réglés par les article 145-1 à 145-3 du code de procédure pénale:

En matière correctionnelle, « 4 mois si la personne mise en examen n’a pas déjà été condamnée pour crime ou délit de droit commun soit à une peine criminelle, soit à une peine d’emprisonnement sans sursis d’une durée supérieure à un an et lorsqu’elle encourt une peine inférieure ou égale à cinq ans »,

• Le délai de 4 mois peut être prorogé « à titre exceptionnel » pour une autre durée de 4 mois par ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention après débat contradictoire, « la durée totale de la détention ne pouvant excéder un an », ou « 2 ans lorsqu’un des faits constitutifs de l’infraction a été commis hors du territoire national ou lorsque la personne est poursuivie pour trafic de stupéfiants, association de malfaiteurs, proxénétisme, extorsion de fonds ou pour une infraction commise en bande organisée et qu’elle encourt une peine égale à 10 ans emprisonnement »,
La détention provisoire peut encore être prorogée « à titre exceptionnel » pour une dernière durée de 4 mois par arrêt de la chambre de l’instruction, après une audience à laquelle doit comparaître la personne maintenue en détention.

En matière criminelle, « la personne mise en examen ne peut être maintenue en détention au delà d’un an »,

• Le délai de un an peut être prorogé « pour une durée qui ne peut être supérieure à 6 mois », par ordonnance motivée du juge des Libertés et de la détention après débat contradictoire.
• La détention provisoire ne peut excéder « deux ans lorsque la peine encourue est inférieure à 20 ans de réclusion », « et au-delà de 3 ans dans les autres cas ».
• « Les délais sont portés respectivement à 3 et 4 ans lorsque l’un des faits constitutifs de l’infraction a été commis hors du territoire national ».
• Le délai est également de 4 ans lorsque la personne est poursuivie «  pour trafic de stupéfiants, terrorisme, proxénétisme, extorsion de fonds ou pour un crime commis en bande organisée ».
• La chambre de l’instruction peut accorder deux délais supplémentaires de 4 mois, après une audience à laquelle la comparution du détenu est de droit, si des investigations complémentaires sont encore nécessaires.

Demande de mise en liberté présentée par l’avocat pénaliste durant l’instruction

L’avocat pénaliste peut à tout moment de la procédure d’instruction, faire enregistrer une demande de mise en liberté (article 148 du code de procédure pénale).

La demande est faite par déclaration au greffe de la juridiction saisie ou bien de la maison d’arrêt, ou encore par courrier recommandé avec accusé de réception si l’avocat pénaliste est inscrit à un barreau extérieur à la juridiction.

Le juge d’instruction doit transmettre la demande au procureur de la République, puis statuer dans un délai de 5 jours.

S’il la refuse, il doit la transmettre au juge des libertés et de la détention avec son avis motivé.

Le juge des libertés et de la détention statue à son tour dans un délai de trois jours par une ordonnance motivée.

Le juge des libertés et de la détention transmet à l’avocat pénaliste l’avis écrit du juge d’instruction et les réquisitions du procureur de la République.

L’avocat pénaliste peut également solliciter la demande de remise en liberté pour raison de santé de son client, physique ou mentale, lorsque le pronostic vital est engagé ou que les conditions de détention ne sont plus compatibles, sauf en cas de risque grave de renouvellement de l’infraction (article 147-1 du code de procédure pénale).

L’avocat pénaliste devra solliciter au préalable qu’une expertise médicale soit diligentée, laquelle devra établir ces circonstances, sauf cas d’urgence (en pareille hypothèse, l’avocat pénaliste pourra produire un certificat médical du médecin de l’établissement à l’appui de sa demande de mise en liberté).

Demande de placement sous surveillance électronique présentée par l’avocat pénaliste durant l’instruction

A titre alternatif à la détention provisoire, lorsqu’une simple mesure de contrôle judiciaire s’avère insuffisante, l’avocat pénaliste peut solliciter du juge des libertés et de la détention ainsi que des tribunaux, qu’ils ordonnent une mesure d’assignation à résidence avec surveillance électronique pour une durée de 6 mois, renouvelable dans un délai maximum de 2 ans.

Cette mesure est décidée et renouvelée à l’issue d’un débat contradictoire sauf lorsqu’elle est prononcée dans le cadre d’une décision de remise en liberté.

Une demande de levée ou de modification de mesure d’assignation à résidence avec surveillance électronique peut être formulée par l’avocat pénaliste à tout moment suivant les modalités prévues pour les demandes de mainlevée de contrôle judiciaire (article 142-12 alinéa 2 du code de procédure pénale).

La personne placée sous surveillance électronique est considérée comme « mise à l’écrou », ce qui signifie que cette période se déduira de la peine prononcée lors du jugement. Cette période devra donc s’inclure dans le calcul permettant de déterminer la date de recevabilité à un aménagement de peine.

L’appel d’une décision de placement en détention provisoire ou de rejet de demande de mise en liberté, audiencé devant la chambre de l’instruction

L’avocat pénaliste peut assister son client dans le cadre d’une procédure d’appel devant la Chambre de l’instruction.

En effet, l’avocat pénaliste peut interjeter appel de la décision de rejet de demande de mise en liberté, dans un délai de 10 jours à compter de la notification de la décision relative à la détention provisoire, par une déclaration au greffe de la juridiction qui a rendu une décision de placement en détention provisoire ou encore de rejet de demande de mise en liberté.

La chambre de l’instruction doit statuer dans les délais impartis par la loi (10 jours lorsque l’appel porte sur une ordonnance de placement en détention provisoire, 15 jours lorsque l’appelant a demandé à comparaître à l’audience et 15 jours lorsque l’appel porte sur des ordonnances de refus de mise en liberté ou de prolongation de détention. Ce délai est porté à 20 jours lorsque l’avocat pénaliste a demandé la comparution de son client à l’audience).

A défaut de respect des délais, l’avocat pénaliste sollicitera la remise en liberté de son client qui sera alors de droit (articles 194 et 199 alinéa 5 du code de procédure pénale), sauf circonstances prévisibles et insurmontables.

Le recours à la saisine directe de la chambre de l’instruction en matière de détention provisoire

L’avocat pénaliste qui a déposé une demande de mise en liberté auprès du juge d’instruction peut saisir directement la chambre de l’instruction de sa demande lorsque celle-ci est restée sans réponse à l’issue des délais de 5 et 3 jours fixés au juge d’instruction puis au juge des libertés et de la détention pour statuer (Cf infra).
La chambre de l’instruction doit à son tour statuer dans un délai de 20 jours.
A défaut, l’avocat pénaliste sollicitera la remise en liberté de son client qui sera alors de droit.

L’avocat pénaliste peut encore saisir directement la chambre de l’instruction lorsque 4 mois se sont écoulés depuis sa dernière comparution devant le juge d’instruction. La chambre de l’instruction doit alors statuer dans les 20 jours. A défaut, l’avocat pénaliste sollicitera la remise en liberté de son client, qui sera là encore de droit (article 148-4 du code de procédure pénale).

Lorsque 3 mois se sont écoulés depuis le placement en détention provisoire, l’avocat pénaliste peut solliciter du président de la chambre de l’instruction qu’il saisisse cette dernière, par déclaration au greffe du juge d’instruction. A l’issue de l’audience, l’avocat pénaliste peut solliciter de la chambre de l’instruction diverses mesures et notamment la remise en liberté de son client.

La décision de la chambre de l’instruction doit intervenir dans un délai de trois mois à compter de la saisine de la Cour par le président à défaut de quoi l’avocat pénaliste sollicitera la mise en liberté de son client qui est de droit.

Le recours contre la décision de placement en détention provisoire sous la forme de « référé-liberté »

L’avocat pénaliste peut décider d’interjeter appel à l’encontre de la décision de placement en détention provisoire de son client dans un délai de 10 jours à compter de ladite décision.

Néanmoins, lorsque l’avocat pénaliste interjette appel le jour même ou le jour suivant la décision de placement en détention provisoire, il peut au même moment, présenter une demande adressée au président de la Chambre de l’instruction en vue « d’examiner immédiatement son appel sans attendre l’audience de la chambre de l’instruction ». Il s’agit de la procédure dite de « référé-liberté » (article 187-1 alinéa 1 du code de procédure pénale). Cela permet à l’avocat pénaliste d’obtenir que le président de la chambre de l’instruction statue sur le référé-liberté au plus tard le 3ème jour ouvrable suivant la demande (article 187-1 alinéa 2 du code de procédure pénale).

En cas de rejet du président, l’examen de la situation est renvoyé devant la chambre de l’instruction et l’avocat pénaliste peut alors solliciter à l’audience le placement sous contrôle judiciaire de son client.

La procédure de « référé-détention »

Lorsqu’une ordonnance de mise en liberté est rendue par le juge des libertés et de la détention ou bien le juge d’instruction, elle est immédiatement notifiée au procureur de la République et le mis en examen ne peut être remis en liberté qu’au terme d’un délai de 4 heures, si et seulement si le procureur n’a pas interjeté appel durant ledit délai.
En cas d’appel du ministère public durant ce délai de 4 heures, le président de la chambre de l’instruction devra statuer au plus tard le 2ème jour ouvrable suivant la demande.

L’avocat pénaliste, avisé de cet appel et du « référé-détention », peut présenter des observations écrites. L’avocat pénaliste peut également présenter des observations orales à ce stade.

Si le président considère la suspension de la remise en liberté justifiée, le dossier est renvoyé devant la Chambre de l’instruction qui devra fixer une date d’audience dans les 10 jours de l’appel.
Si le président considère la suspension de la remise en liberté injustifiée, il ordonne que la personne soit remise en liberté.

Les demandes de mise en liberté présentées après la clôture de l’instruction

Lorsque son client est maintenu en détention provisoire après la clôture de l’instruction, l’avocat pénaliste peut demander qu’il soit remis en liberté à tout moment.

La juridiction de jugement (Tribunal correctionnel en cas de délit, Cour d’assises en cas de crime) est compétente pour statuer sur demande de mise en liberté. Toutefois, la cour d’assises n’est compétente que lorsque la demande est formée pendant la session au cours de laquelle elle doit. juger l’accusé (article 148-1 alinéa 2 du code de procédure pénale). A défaut, la demande est examinée par la chambre de l’instruction.

La décision est prise après que le procureur et l’avocat pénaliste aient développé leur argumentaire oralement.
L’avocat pénaliste est convoqué pour cette audience dans un délai préalable de 48 heures au minimum.

L’avocat pénaliste peut interjeter appel d’un jugement statuant sur une demande de mise en liberté dans un délai de 24 heures.