Auteur/présumé auteur d’un délit : comment se défendre devant le tribunal correctionnel ? Comment se déroule une audience correctionnelle?
I- L’assistance de l’avocat pénaliste devant le tribunal correctionnel et déroulement de l’audience
Devant le tribunal correctionnel, les prévenus peuvent désigner l’avocat pénaliste de leur choix. Lors de l’audience, si le prévenu n’est pas assisté d’un avocat, le président doit l’informer de son droit à l’être (Crim. C. Cassation 1.04.2015).
1- Cas dans lesquels l’assistance de l’avocat pénaliste est obligatoire
L’assistance du prévenu par un avocat pénaliste devant le tribunal correctionnel est par exception obligatoire. Ainsi, lorsque le prévenu est atteint d’une infirmité de nature à compromettre sa défense (article 417 alinéa 4 du code de procédure pénale).
De même, l’assistance de l’avocat est obligatoire lorsque le prévenu est un majeur protégé, sous tutelle ou curatelle.
L’assistance par un avocat pénaliste est encore obligatoire s’agissant d’un mineur devant le Tribunal pour enfants, ou bien en cas de composition pénale. Le mineur ou ses représentants légaux peuvent choisir leur avocat.
Tel est le cas lorsque le mineur est devenu majeur lors de sa comparution devant la juridiction pénale de jugement.
En cas de procédure de comparution immédiate, l’assistance de l’avocat pénaliste est nécessaire afin que la personne prévenue renonce à un délai de préparation de défense et accepte d’être jugée immédiatement (article 397 du code de procédure pénale).
Enfin, en procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (dite CRPC), l’assistance de l’avocat pénaliste est nécessaire à chaque phase de la procédure sans que la personne puisse y renoncer tant lors de la reconnaissance de culpabilité que lors de l’acceptation de la peine proposée puis de l’audience d’homologation (article 495-8 alinéa 4 et 495-9 du code de procédure pénale).
2- Principe de faculté de représentation par un avocat pénaliste devant le tribunal correctionnel
Devant les juridictions correctionnelles, les prévenus bénéficient de la faculté d’être représentés par leur avocat en leur absence à l’audience (article 410 du code de procédure pénale).
Le prévenu doit en principe adresser une lettre au Président du tribunal pour demander à être jugé en son absence.
En revanche, le prévenu qui se trouve détenu même pour autre cause (dans le cadre d’une autre procédure), et qui n’est pas extrait de détention à l’audience, ne peut être considéré comme renonçant à sa comparution que s’il en a expressément manifesté le choix (par exemple par un courrier au président du tribunal).
Un ajournement de peine ne peut en principe être décidé qu’en présence du prévenu à moins qu’il ait fait connaître son accord par écrit et qu’il soit représenté par un avocat.
3- Publicité de l’audience correctionnelle et cas de huis clos
Devant le tribunal correctionnel, le huis clos ne peut être ordonné que lorsque la publicité de l’audience risque d’être dangereuse pour « l’ordre, la sérénité des débats, la dignité de la personne ou les intérêts d’un tiers » (article 400 du code de procédure pénale).
Les audiences de jugement du tribunal pour enfants sont soumises à un huis clos de principe, ainsi que celles de la chambre spéciale des mineurs de la cour d’appel.
Toutefois, peuvent assister à l’audience les témoins de l’affaire (après avoir déposé), les proches parents, le tuteur ou le représentant légal du mineur ainsi que les membres du barreau.
4- Déroulement de l’audience correctionnelle
Le prévenu a le droit d’assister à l’intégralité des débats. S’il est détenu, il est conduit à cette fin à l’audience (article 409 du code de procédure pénale), il doit alors être libéré de ses menottes et entraves lors de la comparution.
Le président du tribunal correctionnel ne peut ordonner son expulsion de la salle d’audience qu’en cas de trouble de l’ordre, à la condition cependant que le jugement soit rendu en sa présence (article 405 du code de procédure pénale).
« Avant de procéder à l’audition des témoins, le président interroge le prévenu et reçoit ses déclarations » (article 442 du code de procédure pénale).
Le procureur de la république et les avocats des parties peuvent ensuite lui poser des questions en demandant la parole au président. Le président peut ordonner la diffusion des enregistrements des auditions et des interrogatoires réalisés lors de l’enquête de police, notamment en garde à vue, puis de l’instruction judiciaire, d’office ou à la demande des parties.
La déposition d’un témoin, d’une partie civile ou d’un expert peut être effectuée par Visio-conférence mais pas celle du prévenu lui-même sauf s’il est détenu et dans ce cas avec son accord, celui du procureur de la République et de l’ensemble des parties (article 706-71 du code de procédure pénale).
5- Citation des témoins devant le tribunal correctionnel
Devant le tribunal correctionnel en première instance, l’avocat pénaliste peut citer les témoins de son choix sans limitation de nombre. Les citations de témoins doivent être délivrées par huissier dans le délai de 10 jours précédent l’audience.
En cas de non-comparution d’un témoin régulièrement cité, le tribunal peut ordonner que le témoin soit recherché et conduit à l’audience par la force publique; le tribunal peut préférer renvoyer l’affaire afin de pouvoir procéder à l’audition de ce témoin.
Les témoins sont tenus de comparaître, de prêter serment et de déposer. Seuls ceux qui invoquent le secret professionnel ou, concernant les journalistes, le secret des sources, peuvent refuser de répondre aux questions posées (article 437 alinéa 1 et 2 du code de procédure pénale).
Les témoins n’assistent pas aux débats avant leur déposition: le président doit les faire se retirer du prétoire, dans une salle d’attente à cet effet (article 436 du code de procédure pénale).
Préalablement à leur déposition, les témoins doivent prêter serment de dire la vérité (article 446 du code de procédure pénale) y compris les personnes non régulièrement citées mais appelées à déposer à titre de renseignement à l’audience par le président.
En l’absence de serment de leur part, le tribunal ne pourrait régulièrement motiver une décision de culpabilité fondée sur un tel témoignage.
Ne peuvent pas prêter serment les enfants de moins de 16 ans, les ascendants, les descendants, les frères et soeurs, les alliés au même degré et le conjoint, même après le divorce’un, sauf si aucune des parties ne s’y oppose.
Les experts judiciaires cités à l’audience peuvent assister aux débats préalablement à leur déposition, à la différence des témoins. L’avocat pénaliste peut leur poser directement ses questions.
6- Réquisitoire et plaidoirie de l’avocat pénaliste
Après l’instruction de l’affaire à l’audience, les avocats des parties civiles présentent leurs demandes et le procureur de la république prononce ses réquisitions.
L’avocat de la défense (du prévenu) plaide ensuite. Son temps de parole est libre. En cas de réplique du procureur de la république, ou de la partie civile, l’avocat de la défense a toujours le dernier mot (article 460 du code de procédure pénale).
7- Spécificités de la procédure de comparution immédiate
Poursuivie sur le mode de la comparution immédiate, la personne prévenue peut toujours refuser d’être jugée le jour même de sa comparution.
Dans ce cas, le tribunal correctionnel doit renvoyer l’audience de jugement à une date ultérieure, dans un délai qui ne peut être inférieur à deux semaines, ni supérieur à six semaines. Lorsque la peine encourue est supérieure à 7 ans d’emprisonnement, ces délais sont portés à deux mois au minimum et quatre au maximum.
C’est un droit qu’il appartient à l’avocat pénaliste d’invoquer. Le prévenu peut néanmoins donner son accord pour être immédiatement jugé, il doit alors être assisté d’un avocat pénaliste pour donner son accord (articles 397, 397-1 et 706-106 du code de procédure pénale).
A l’ouverture de cette première audience ou de l’audience de jugement, un supplément d’instruction peut être demandé au tribunal. L’avocat pénaliste peut solliciter « tout acte d’information qu’il estime nécessaire à la manifestation de la vérité relatif aux faits reprochés ou à la personnalité de l’intéressé ». S’il refuse de faire droit à cette demande, le tribunal doit rendre un jugement motivé.
S’il ordonne ce supplément d’instruction, le tribunal y procède selon la procédure ordinaire prévue à l’article 463 du code de procédure pénale.
Mais il peut alors ordonner le placement en détention provisoire du prévenu, quel que soit le quantum de la peine encourue (les dispositions de l’article 143-1 du code de procédure pénale ne s’appliquent pas).
Le tribunal peut aussi décider de renvoyer le dossier de la procédure au ministère public s’il estime que ces investigations supplémentaires nécessitent l’ouverture d’une information judiciaire (article 394 alinéa dernier du code de procédure pénale, et 397-2 du code de procédure pénale).
L’avocat pénaliste en défense peut aussi faire citer les témoins de son choix sans délai et par tout moyen, au besoin en sollicitant le renvoi de l’affaire à une audience ultérieure. Ces principes gouvernent de la même façon la défense des mineurs dans le cadre de la procédure dite de « présentation immédiate ».
L’avocat pénaliste, dont l’assistance est toujours obligatoire, peut demander un délai de préparation qui ne peut être supérieur à un mois ainsi qu’un supplément d’instruction.
II- La preuve devant le tribunal correctionnel
1- Les conclusions écrites de l’avocat pénaliste devant les juridictions correctionnelles
L’argumentation écrite devant les juridictions correctionnelles est un droit de la défense.
En effet, l’avocat pénaliste peut déposer des conclusions auxquelles le tribunal et la cour d’appel sont tenus de répondre dans leurs jugements et arrêts. Ils n’ont pas à répondre aux arguments développés oralement lors de la plaidoirie.
Les conclusions peuvent porter sur une exception de procédure, telle que la nullité d’actes de poursuites; elles doivent dans ce cas être déposées « in limite litis » c’est-à-dire avant tout débat au fond, soit en tout début d’audience (article 385 du code de procédure pénale).
Elles peuvent également traiter du fond de la prévention notamment pour développer les arguments de la relaxe du prévenu en droit ou en fait.
Ces conclusions pourront alors être déposées par l’avocat pénaliste jusqu’à la clôture de l’instruction de l’affaire par le président du tribunal avant la plaidoirie de la partie civile et le réquisitoire du procureur de la république (article 459 du code de procédure pénale).
Elle doivent être datées et signées par l’avocat pénaliste et visées par le greffier d’audience. Le respect du principe du contradictoire commande aux avocats de communiquer leurs conclusions et leurs pièces au président du tribunal, au ministère public et aux parties préalablement à l’audience.
Les pièces peuvent être produites par les parties jusqu’à la fin des débats.
2- La preuve du délit: charge et mode de preuve
En droit pénal, la preuve est libre, cela signifie que le code de procédure pénale n’exige pas telle nature ou tel nombre d’éléments de preuves pour établir légalement un fait.
Tout élément est en principe susceptible de constituer une preuve de l’infraction poursuivie, que ce soit un indice matériel, un document, un témoignage, une plainte ou un aveu.
Les juges apprécient donc de manière souveraine la valeur et la portée en leur intime conviction, à la seule condition que ces éléments aient été débattus contradictoirement entre les parties (avocat de la défense, avocat de la partie civile et procureur de la république (articles 427 et 428 du code de procédure pénale).
Le prévenu est présumé innocent de telle sorte que la charge de la preuve revient au procureur de la république.
3- Exceptions de preuves prohibées
De rares modes de preuves sont prohibés par le code de procédure pénale et la jurisprudence de la Cour de cassation.
- Les correspondances confidentielles:
En premier lieu, les correspondances écrites entre l’avocat pénaliste et son client prévenu sont tenues au secret.
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Il en est de même de leurs conversations téléphoniques couvertes elles aussi par la confidentialité. En cas de retranscription en procédures, elles seront entachées de nullité.
Plus encore, les conversations des journalistes permettant d’identifier leurs sources ne peuvent pas servir de preuves (article 100-5 du code de procédure pénale).
- Le procès-verbal de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC)
Le procès-verbal de comparution sur reconnaissance de culpabilité ne peut être retenu comme preuve, lorsqu’il n’y est pas donné suite et que le prévenu comparaît postérieurement devant le tribunal correctionnel (article 495-14 alinéa 2 du code de procédure pénale).
- Les dépositions faites en garde à vue sans assistance d’un avocat pénaliste
Les dépositions faites en garde à vue par des personnes non assistées par un avocat pénaliste, sauf si elles ont renoncé expressément à cette faculté, ne peuvent pas davantage justifier une décision de culpabilité.
Ainsi, l’article préliminaire du code de procédure pénale stipule: « en matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seule fondement de déclarations qu’elle a faites sans avoir pu entretenir avec un avocat et être assisté par lui ».
Les tribunaux ne peuvent se fonder sur de telles dépositions pour entrer en voie de condamnation.
- Les renseignements anonymes
Les renseignements anonymes sont insuffisants comme éléments de preuve et doivent être corroborés par d’autres éléments.
De la même manière, le code prévoit que le tribunal ne saurait se fonder sur les seules déclarations faites par les officiers et agents de police judiciaire et des agents des douanes ayant participé à une opération d’infiltration de réseaux de délinquants, sauf si ces agents déposent sous leur véritable identité (article 706-87 du code de procédure pénale, article 65 bis IX du code des douanes).
Il ne peut non plus se fonder seulement sur celles d’un témoin sous le statut juridique de témoin anonyme (article 706-62 du code de procédure pénale) ou d’un témoin repenti exempté de peines (article 132-78 alinéa 4 du code pénal).
- Les actes de procédure jugés nuls retirés du dossier ou cancellés ne peuvent plus servir de preuve (article 174 alinéa 3 du code de procédure pénale).
- Les preuves produites par les particuliers sont recevables quand bien même sont elles d’origine illicite (tel est le cas des enregistrements vidéo/audio sans consentement préalable).
4- Valeurs probantes des procès-verbaux et décisions de justice
Les procès-verbaux établis par les services de police ne valent qu’à titre de renseignement (article 430 du code de procédure pénale).
Cependant, dans certains cas ils valent jusqu’à preuve du contraire, laquelle doit alors être rapportée par l’avocat pénaliste en défense, par écrit ou par témoignage (article 431 du code de procédure pénale).
Il en est ainsi des procès-verbaux constatant des contraventions de police (article 537 du code de procédure pénale).
Il en est de même des procès-verbaux établis par les inspecteurs du travail et par ceux de l’administration fiscale, mais seulement pour les faits entrant dans le champ de leurs compétences.
De même, les procès-verbaux des agents de douanes n’ont de force probante « que pour la caractérisation des infractions douanières » mais ne valent qu’à titre de renseignement pour le constat d’une infraction de droit commun à la législation des stupéfiants (Chambre criminelle de la Cour de cassation 28.09.2016).
Les constats d’huissier qui peuvent être établis à la requête de particuliers ne valent qu’à titre de simple renseignement en matière pénale alors qu’ils font foi jusqu’à preuve du contraire dans les autres domaines.
III- Motivation du jugement correctionnel : l’avocat pénaliste présent pour déconstruire la thèse du procureur
L’avocat pénaliste remet en question les éléments de fond de nature à permettre un jugement de culpabilité, et met en lumière les éléments de personnalité de son client, susceptibles d’éviter une peine d’emprisonnement ferme.
Les juges des tribunaux correctionnels qui se prononcent en leur intime conviction ne peuvent fonder leur décision que sur des preuves contradictoirement débattues à l’audience (article 427 du code de procédure pénale).
Les décisions sont nécessairement motivées. Les jugements doivent en effet répondre aux arguments développés dans les conclusions écrites par l’avocat pénaliste (article 459 du code de procédure pénale).
Les jugements doivent contenir les motifs de la décision et préciser les infractions pour lesquelles la personne poursuivie est déclarée coupable, la peine à laquelle celle-ci est condamnée, les textes de loi appliqués ainsi que les condamnations civiles. Les faits doivent être circonstanciés, l’implication de la personne et son intention délictuelle établies. Tous les éléments constitutifs de l’infraction réprimée doivent être relevés.
La jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de cassation considère que « des moyens hypothétiques et dubitatifs » ne peuvent justifier un jugement de condamnation (Clim. 18.03.2015).
Il revient donc à l’avocat pénaliste de vérifier si ces éléments peuvent être contestés.
La Cour de cassation veille également à la motivation des peines d’emprisonnement ferme, au regard des dispositions de l’article 132-19 alinéa 2 du code pénal. Ainsi ont été cassés de nombreux arrêts ayant prononcé une peine de prison ferme sans aménagement, ne la justifiant que par la multiplicité des faits ou car le prévenu avait refusé de reconnaître sa culpabilité.
Le juge doit motiver spécialement cette décision soit en établissant que la personnalité et la situation du condamné ne permettent pas un tel aménagement soit en constatant une impossibilité matérielle.
Ce n’est qu’en dernier recours si la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate qu’un emprisonnement ferme peut être prononcé.
La encore, l’avocat pénaliste devra faire valoir les éléments de personnalité de son client afin d’éviter le prononcé d’une peine d’emprisonnement ferme sans aménagement, le cas échéant.